par Jean-Jacques Bretou
Le 23 octobre 2012 à 19h30, soit 30 ans, 7 mois, 20 jours après la mort de Perec, au Café de la Marie, à Paris VIe, eut lieu l’inauguration de la plaque « Hommage à Georges Perec ». Celle-ci se présente sous la forme d’une reproduction du panneau de la place Saint-Sulpice où « Saint-Sulpice » est remplacé par « G org s P r c » en souvenir de l’auteur de la Disparition (roman écrit sans la lettre « e », lipogramme) et de Tentative d’épuisement d’un lieu parisien. Deux des ouvrages les plus connus de l’auteur, avec Les Choses (prix Renaudot 1965), La Vie mode d’emploi (prix Médicis 1978) et ses travaux d’« oulipien ». Soulignons au passage, d’ailleurs, tant est grand son prestige, qu’il faut bien souvent corriger que Perec n’est pas le fondateur de l’Oulipo mais n’y est entré qu’en 1967. Rappelons de plus qu’il existe des rues, des bibliothèques, un timbre, un astéroïde, un Doodle (un gribouillage permettant une paronomase avec « Google » : la lettre « e » de « Google » est à demi effacée). Georges Perec est donc sinon un auteur populaire, un écrivain très connu. La lecture de ce Cahier de l’Herne permettra aux amateurs de revisiter l’œuvre de Perec et aux lecteurs les plus férus de se rendre compte comme Malraux l’a dit de Gide que Perec est un « contemporain capital ». On trouvera bien sûr des inédits, par exemple « Les aventures d’Enzo, le petit roi de Sardaigne », des Fantaisies poétiques, « Manderre » mais aussi les lettres à Marcel Bénabou et Régis Debray, et nous lirons des critiques de l’époque sur ses ouvrages. On pourra continuer, 33 ans après que Cerisy y consacra un colloque, à mesurer l’importance tant en volume qu’en diversité de l’œuvre perecquienne. Une œuvre « protéiforme » au sens propre : la forme s’adapte à l’écrit. Des livres qui n’auraient sans doute pas existé sans la présence de contraintes, parfois « rongés par les listes » comme le souligne Jacques Roubaud. Avec le recul, Perec nous apparaît sociologue, homme de radio, producteur de cinéma, observateur, commentateur sportif… Mais on retrouve surtout l’être miné par l’angoisse en quête d’autobiographie, cet homme blessé mais rieur dont Bolaño dit qu’il a rêvé de lui en bas âge et qu’il le consolait entre ses bras.