par Esther Salmona
Il n’en va certainement pas de ce livre comme le job, les pâtes et les colorants : roboratif, soulevé et entraîné par une prosodie rauque, soudaine, à avaler cru. Attention, avaler ici n’est pas mâcher consciencieusement, déglutir tranquillement, digérer religieusement. C’est ouvrir grande la bouche pour laisser le flux passer. Pas n’importe quel flux : celui qui contient, englobe, va chercher tout, s’enquiert de tout, s’infiltre et ramène tout. Aucune place laissée pour compte, toutes surfaces possibles prises dans l’avaloir, tout corps, tout organe invité à accélérer dans la précision anatomique du langage. La lecture en devient physique, organique, péristaltique. Chacun des textes amplifie, enlargit, réclame comme régurgite, déroule l’échelle infinie de questions se soulevant sans cesse, questions énormes, essentielles, prises dans un magma, une lave masculine. Un corps usant de mots attire, sent, voit, mange et veut comprendre le dehors par le dedans, le dedans par le dehors, tension limite, appel, chasse vigilante du réel induite par l’état d’être vivant doté de capteurs dits sensibles. Les dessins, heurtés, frottés, évidés, insatiables, en montrent la voie.
112 p., 15,00 €