par Sébastien Hoët
On pourrait s’étonner de l’entrée de cet incurable dandy au catalogue éminemment spirituel (en un autre sens que celui d’Oscar au premier chef) d’Arfuyen. Ce serait oublier que le grand écrivain irlandais n’a pas vécu que de bons mots et n’a pas mis, contrairement à ce qu’il confia à Gide, tout son génie dans son existence scandaleusement superficielle. O. Wilde était aussi et surtout un homme grave qui cacha son ascétisme sous un vêtement outrancièrement visible et occultant, ce que les fragments choisis par Gérard Pfister dans toute son œuvre montrent assez. Wilde n’a cherché, toute sa vie durant, et maladivement, que la beauté. Non la beauté du bec à gaz ou de la femme maquillée, de la mode, que révérait Baudelaire, cet autre dandy, mais la « beauté hellénique » qui demeure la même, immuable telle l’idée platonicienne, dans le devenir et l’usure des choses. Cette beauté rend seule la vie digne d’être vécue et fait seule le message de l’art : « Un tableau n’a d’autre signification que sa beauté, d’autre message que la joie » (p. 33). L’art constitue la vraie religion, ne se transmet donc que par la révélation, et n’a, enfin, pas plus d’utilité ni moins de légitimité que le fragile miracle d’une fleur trouvée dans le jardin. Cette religion requiert, pour être pratiquée fidèlement, ce que Wilde nomme l’individualisme, soit l’expression de la singularité de l’individu comme artiste, laquelle ne supporte aucun gouvernement politique (p. 83) et doit être conçue comme la force d’affirmation qui anime la fleur elle-même dans son terrible élan de vie. En quoi O. Wilde annonce curieusement Ayn Rand malgré son amour des pauvres. Un paradoxe qu’il eût assumé comme les autres.
Gérard Pfister
Édition bilingue
Arfuyen
« Ainsi parlait »
168 p., 13,00 €