par Mathieu Nuss
Espaces blancs. Texte écrit dans la nuit du nouvel an 1979. Détachements. Des « vides » parlent (nulle question « d’histoires plaisantes » ou de « récits d’aventure »), ces « vides » qui souvent préexistent dans le côte à côte des êtres, dans la simultanéité de deux événements. La parole de Paul Auster semble pleinement vouée à cela. Elle ne veut pas élucider ou fonder, simplement se fondre dans l’immense voyage de devant soi qui constitue une entrée en matière.
Sous des éclairages transversaux, Paul Auster formule en de relativement brefs paragraphes « l’impression persistante que laisse ce qui se passe tout en changeant sans cesse », il assure que nous ne pouvons qu’être ignorants face au continuum du réel, au « royaume du visible », à ce qui co-existe, mais que nécessairement la conscience de la parole se meut dans la conscience des événements. Qu’elle s’y accroche et entraîne doucement celui qui la porte. Bien qu’elles ne définissent ni ne situent, les premières proximités sont sujettes à écriture.
« Il n’y a pas d’autre issue pour la bouche qui lance les mots de l’éveil et de l’accord. Pas d’autre issue, et nulle issue, mais la multiplicité du bond, du trait, du passage » disait Jacques Dupin à son propos. Plus qu’elle n’occupe, la parole saisit l’électricité statique qui naît de l’apparaissant et du disparaissant, du narré et du tu, ou de ce qui resserre puis d’un coup espace. Elle joue de ces phases de transition qui sont son salut et dont elle tire sa substance, elle virevolte sans jamais rien déranger, équilibre des inconciliables : Espaces blancs est d’ailleurs sous-titré « Une danse pour être lue à haute voix ».