Oswald Egger : Rien, qui soit

 
par Sébastien Hoët

Comme toujours avec cette maison d’édition, le livre est beau, volumineux, et le prix modeste. L’auteur, ici traduit de l’allemand avec une patience inouïe par Jean-René Lassalle, lequel signe en outre une postface éclairante, doit être reconnu en France à sa juste mesure, ce que permettrait cette anthologie soignée et conséquente. Tout lecteur sortira du recueil étourdi par la phrase d’Oswald Egger – une phrase métamorphique qui procède, par coulées de vers, ou fragments de prose, à une explosion du verbe au ralenti, un concassage du mot pour le fondre dans un autre auquel il s’ajointe pour former un drôle d’animal déséquilibré et sonore, richement signifiant, un peu à la manière de Hopkins ou d’Amelia Rosselli ; citons au hasard : « L’ensemencement diamétral rempote, laine d’ulves plantée dans le courant watt de traces inquiètes voies solaires et dépolit obligations, ainsi que plis foliés dans l’inversion saisonnière d’images florales retroussées amplibougées » (p. 33). Phrase plutôt sobre extraite du recueil De Broïch judicieusement recommandé par J.-R. Lassalle pour entrer dans l’œuvre d’Egger, où le poète se livre à un éblouissant exercice poético-phénoménologique d’observation d’un motif de tapisserie – qui se déplace, se désaxe, s’invagine, tremble dans une série de « bougés », jusqu’à disparaître derrière les « événements ». Langue de l’événementialité, événementialisée elle-même, dont on regrette simplement de ne pas pouvoir la lire en version bilingue.




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Traduit de l’allemand et présenté par Jean-René Lassalle
Grèges
152 p., 14,00 €
couverture