Nimrod : L’enfant n’est pas mort

 
par Michel Ménaché

Poète et romancier d’origine tchadienne, Nimrod, biographe d’Aimé Césaire et de Rosa Parks, s’attache à rappeler le combat et le destin tragique d’Ingrid Jonker, poète d’Afrique du Sud, qui a été reconnue par Nelson Mandela comme une des figures héroïques de la lutte contre l’apartheid. À 27 ans, Ingrid Jonker, fille d’un dignitaire afrikaner, suppôt du régime, se rend dans un ghetto noir pour rencontrer la jeune mère d’un bébé assassiné le 1er avril 1960, par des militaires. Elle écrit aussitôt un poème, après avoir partagé la douleur de cette mère et constaté la misère indescriptible de son quartier déshérité : L’enfant tué par les soldats à Nyanga. Ce poème d’abord refusé par les éditeurs restera dans la mémoire collective sud-africaine le symbole de la violence et de l’injustice envers la majorité noire par la minorité blanche au pouvoir. Il sera lu par Nelson Mandela lors de sa première intervention à l’Assemblée en mai 1994. Pour l’hommage qu’il rend lui-même à Ingrid Jonker dans son récit, Nimrod a retourné le titre du poème : L’enfant n’est pas mort. Symbole lumineux de résurrection.

Reniée par son père, éprouvée par la mort de sa mère ayant sombré dans la folie, incomprise ou mal aimée par ses amants Jack Cope et André Brink – écrivains célèbres plus soucieux de leur succès que de leurs attaches amoureuses –, Ingrid, mère célibataire, ayant subi plusieurs avortements, réduite au chômage après sa dernière rupture, fait plusieurs tentatives de suicide. En 1965, elle mettra fin à ses jours, à l’âge de 33 ans, en se noyant dans la baie de Cap Town.

Avec son talent de conteur et son ardeur de messager du droit des peuples, Nimrod nous fait revivre le triomphe de la libération sur la tyrannie, dans la pensée et le discours du grand leader noir, Nelson Mandela, poète lui-même, rendu sensible à la voix de celle qui écrivait :

« Je cherche la route
peut-être pour m’enfuir
mais partout les sentiers
de ses mots m’égarent
Le bois de pins se souvient
le bois de pin oublie
plus je me perds
plus je marche sur mes regrets. »




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Bruno Doucey
156 p., 15,50 €
couverture