par Isabelle Baladine Howald
Point de lendemain pour la suspension
Etc. est le très beau livre de l’automne mais sa couverture est vert pomme (j’allais écrire : verte pomme tant il y a d’herbe – et de fleurs – dans ces pages saturées de couleurs). Dans le travail de Bernard Chambaz, la poésie est le « noyau dur », et ce noyau est à la fois habité de présences et de poètes mais aussi d’absences (le fils, les poètes compagnons, les poètes morts seuls – Nerval, que sa famille refusa d’enterrer). Le manque est fantôme, Etc. est marqué du fantôme. Mais Etc. est aussi un véritable traité de ponctuation, à la poursuite des points de suspension qui suivent le plus souvent le « etc », auquel Bernard Chambaz n’accorde qu’un point final comme pour dire : ça suffit comme ça, marre du flou, la poésie est précise. Cette étude du point de suspension est le fil presque électrique qui s’allume tout le long du recueil, du e muet à la conjonction de coordination « et » à « été » (Été I et Été II sont les précédents livres de Bernard Chambaz) à « etc » mais cet ordre est peut-être inverse...
Composé de cinq parties qui se répondent, correspondent et fusent, ce sont les poètes qui sont au centre de ces échos, que ce soit Mallarmé, l’infini père errant, Verlaine, ce pauvre Verlaine tout décati, Desnos qui a promis de revenir chercher son stylo et n’est jamais rentré, Du Bellay qu’on ne peut s’empêcher d’aimer pour son rythme incroyable… Mais d’autres passent en étoiles filantes comme « Emily », évoqués tendrement, plus encore dans le cas de Mathieu Bénézet, poète si bouleversant et ami de Bernard Chambaz.
Et dans le mot même quelque chose bouge entre « hyer » et « bruière », je me suis demandée si c’était l’y d’Emily ou le ï de « poïein » qui se promenait...
Ce grand lecteur qu’est Bernard Chambaz, tout imprégné de cette longue pratique, nous propose ici ses chantiers de lectures de la langue et des poèmes comme un véritable traité d’amitié.
Etc. est aussi et encore le livre presque silencieux d’un deuil infini, ainsi qu’il le faut.