Amos Oz : Judas

 
par Michéa Jacobi

Quand tu lis un roman d’Amos Oz, tu vis dans une vie plus poétique. Une vie en courts chapitres où chaque être et chaque geste reprennent l’importance que le cours des choses n’aurait jamais dû leur ôter. Où la religion, la métaphysique et la politique deviennent des questions ordinaires, ordinairement mêlées aux choses et aux pensées ordinaires.

La douceur de septembre a passé, les jours filent résignés vers l’hiver. Tu lis un roman d’Amos Oz. Tu es transporté, comme à l’habitude, dans les rues froides et désertes d’une Jérusalem accablante de réalité, vers des gens que tu ne connais pas et qui, en courts chapitres, te sont tout à coup proches, comme peuvent te devenir proches ces silhouettes (passants familiers, voisins muets, fantômes des cafés) dont quelqu’un te découvre un jour l’histoire et qui te deviennent chers sans que tu avances jamais sur le chemin de mieux les connaître.

Quand tu lis Judas, vers la fin de l’automne, le monde en courts chapitres te devient, comme enveloppé dans la prose, plus proche, et les gens plus proches encore. Tu demandes des nouvelles à cette vieille dame chagrine que ta misanthropie et ta paresse se contentaient de saluer, tu mets un peu plus de soin dans la confection du repas du dimanche, tu aimes mieux les pommes, les lits frais et le silence qui est dans les livres d’Amos hautement recommandé.

Tu lis le livre, les personnages de la fiction deviennent ceux de ta réalité. Il n’y a plus le roman d’un côté et la vie de l’autre. Il n’y a plus de prose ici et de poésie autre part. Plus de critique et plus de lecteur ordinaire.

Quand tu lis un roman d’Amos Oz, tu n’as aucune envie d’écrire quelque chose de savant. Juste un pressant besoin de passer le livre à quelqu’un que tu aimes.




Share on FacebookTweet about this on TwitterPin on PinterestShare on TumblrEmail this to someone
roman
Traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen
Gallimard
« Du monde entier »
352 p., 21,00 €
couverture