Stéphane Bouquet : Vie commune

 
par Véronique Pittolo

Dans son dernier livre, Stéphane Bouquet ouvre son écriture à des formes diversifiées, plus narratives, plus prosaïques que le vers libre auquel il nous a habitués. Associant des petites scènes dialoguées à une multiplicité de personnages, il amorce une percée vers le romanesque et la forme théâtrale. Les noms propres créent un surcroît fictionnel et déploient l’ego poétique vers une dimension parfois comique, ce qui est également nouveau dans son œuvre. L’empathie prend les traits d’une communauté sans frontières (d’espaces, de genre, de choix sexuel). La multiplicité des voix fragmentaires tisse un ensemble de solitudes qui s’ajoutent les unes aux autres, pour constituer une démocratie utopique, renouvelant le rêve soixante-huitard d’un vivre ensemble, où la sexualité se vivrait désormais sous la forme du polyamour. 

Les règles naissent naturellement de leur vie commune…
Nous dormons dans les draps les uns des autres… 

Qu’est-ce qui dans le monde actuel mérite d’être sauvé ? La peau, la chaleur, la proximité des corps.
Imagine l’inauguration d’une république sans la possibilité paresseuse des paysages : le souci de proximité révèle le rêve d’une fusion, dans un présent éternel sous le signe de Whitman, mais dans une nature minimale réduite souvent aux espaces domestiques (chambre, voiture, salon de beauté).
La forme théâtrale est expérimentée avec fantaisie et jubilation, notamment par un usage étonnant des didascalies (à l’intérieur des voix). 

En ces temps d’incertitude et de court terme, où les liens artificiels se font et se défont à coups de tweets, de bruit médiatique, il est important de lire des œuvres telles que celle-ci, où se dégage une grande douceur et une promesse pour notre avenir.




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Champ Vallon
« Recueil »
160 p., 14,00 €
couverture