par Alain Helissen
Attablé comme à son habitude dans un café lyonnais, le narrateur écrit une lettre à une femme écrivain connue qu’il n’a pas encore lue. C’est ici le prétexte d’une « autobiographie fictive » à travers laquelle Manuel Daull questionne le territoire de l’écriture, là où « il ne pense à rien ». « Écrire sa vie à défaut de la vivre », ainsi tente-t-il de s’oublier dans un « je » se répétant tout au long de ce texte narratif arbitrairement découpé en vers mais ne marquant qu’un sujet impersonnel, comme le sont « nos vies ». « Je suis fatigué, je crois, de l’usage de la parole », confie Manuel Daull. Il y a dans ses textes des voix qui ne lui appartiennent pas. Absent de la vie et l’évoquant sans cesse, il fixe le porche de l’hôpital en face du café qu’il occupe, espérant qu’y apparaisse la femme. Son courrier n’arrivera jamais à destination, il ne s’adresse qu’à lui-même, forgeant les mots d’une attente imprécise. Le besoin de quitter la ville, « trop grande pour lui », se fait pressant. Fuir les bavardages, se perdre, s’oublier en faisant l’amour... le narrateur se demande où est passée « cette langue qui cherchait son chemin » et lui parlait souvent mieux que celle des vivants ».
80 p., 12,00 €