Serge Pey : Venger les mots

 
par Jean-Pierre Bobillot

S’il en est un aujourd’hui dont, suivant la gidienne exigence d’« authenticité », la vie (les actes, en premier lieu publics) soit la garante de l’œuvre (écrite, scénique) et vice versa1, c’est bien, résolument, Serge Pey dont, ajoutons-le, l’œuvre écrite ne s’offre manifestement pas moins comme la garante de l’œuvre scénique et vice versa.
On lit, dans l’« Appel aux poètes à occuper les cimetières » : « Parce que les sonnets ne sonnent plus / et que les épopées ne portent plus l’épée […] Parce que nous voulons venger les mots // Parce que nous demandons aux morts d’exister / contre les mots qui sont morts […] RÉSISTANCE ! » L’un des morceaux de résistance, justement, du recueil2 est à coup sûr l’« Adresse au Président des USA dans la langue des signes des Indiens des plaines pour la libération de Leonard Peltier militant de l’American Indian Movement emprisonné depuis 1976 », au fil de laquelle, à même l’indignation devant le déni de justice et l’acharnement carcéral, affleure l’utopique espérance d’une intercompréhension entre les peuples, et qu’il ne faut pas manquer de voir-et-entendre le poète lui-même incarner en public3, tant c’est expérimenter un rare moment d’émotion humaine, politique et poétique.




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Bruno Doucey
« Soleil noir »
104 p., 14,50 €
couverture

1. Les premiers vers du poème liminaire, dédié à « Renato Pira, mon ami cuisinier de Gavoi (Barbagia) », donnent le ton général de l’ensemble : « Quand mon camarade est mort / j’ai pensé que tout le monde / était mort // Mourir est une capacité / jumelle à celle de vivre / Tout est affaire de point de vue »…

2. Il en est au moins deux autres : le « Gospel pour le réseau Sabaté », qui trace une filiation ; la « Prière punk pour les Pussy riot » où, en écho à leur propre « Prière punk », il « ORDONNE » à « NOTRE-DAME-DE-RUSSIE […] NOTRE-DAME-DES-MIRADORS […] NOTRE-DAME-DES-PSYCHIATRIES » : « PRIEZ / POUR LES PUSSY RIOT […] ABOYEZ / ABOYEZ / NE PRIEZ PAS »…

3. Voir, à défaut, sa lecture du 20 mars 2015 à Nice, filmée par Jean-Paul Woodall.