James Joyce : Épiphanies

 
par Jérôme Duwa

« Enregistrer », fait-il dire à Stephen Dedalus ; sauver de ces fragments de la réalité (paroles, gestes, pensées) qui ont été vécus d’une manière plus intense, comme une suspension du cours fugace des choses : voilà, dans une élégante édition, l’objet de ces Épiphanies traduites par Jacques Aubert, lequel a notamment dirigé la nouvelle version française d’Ulysse (2004).
Mais il ne faudrait pas se tromper sur le caractère de ses « apparitions » collectées entre 1901 et 1904 en vue d’un recueil jamais totalement achevé ; rien ne relève vraiment ici de ces images ou souvenirs raffinés que seule une sensibilité d’esthète pourrait appréhender.
Parfois des lieux très précis sont indiqués à Dublin, Mullingar ou à Londres, soulignant combien l’événement mérite d’être méticuleusement consigné, malgré son apparence modeste, sa trivialité ou son obscurité : des échanges énigmatiques entre un petit enfant et deux jeunes personnes (XXXVIII), les menaces sadiques d’un mendiant (XV), 300 garçons mangeant du « bœuf frangé de graisse verte » (XXV) ou le spectacle d’un navire inconnu qui entre dans un port (XXVIII).
Cette expérience de lecture syncopée construit pour finir un monde fait d’éclats qu’on perçoit, au milieu de « sombres vapeurs » (XXIX), dans une sorte d’ivresse.




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Traduction de Jacques Aubert revue pour cette édition
Trente-trois morceaux
48 p., 15,00 €
couverture