Ishikawa Takuboku : Une poignée de sable

 
par Claude Chambard

Ishikawa Takuboku est un phénomène rare. Un de ses poètes qui, dès qu’un de leurs poèmes nous tombe sous les yeux et nous secoue le cœur, l’esprit et tout le tremblement, ne nous quitte plus. On le trouvera même, personnage d’une bande dessinée : le tome II (Dans le ciel bleu) de Au temps de Botchan de Jiro Taniguchi & Natsuo Sekikawa. Sa brève vie – il est né le 20 février 1886 à Hinoto et mort, de tuberculose, le 12 avril 1912 à Tokyo – est scellée pour l’éternité dans un astéroïde, baptisé en 1988 Takuboku en son honneur, et dans une poignée de livres, 5 volumes en japonais, dont un journal. Ce beau volume qui comprend l’intégralité de son livre le plus important (Ichiaku no suna), paru en 1910 et comprenant 551 tankas, est indispensable à la connaissance de cette œuvre modeste et riche. Modeste, car les thèmes le sont – la vie, ses aléas et ses bonheurs, en somme –, riche car sa façon de les aborder est une révolution dans les habitudes poétiques japonaises. Toujours en bascule, toujours très au bord, dans une façon de vertige narquois & désespéré, ce qui s’écrit là est grave & gai, sombre & lumineux, dérisoire & essentiel. « Au fond de la forêt on entend un coup de fusil / Ah ah / quel joli son cela fait quand on se donne la mort ». Le poète ne prend pas grand-chose au sérieux sauf peut-être le peu de temps qui lui est imparti et qu’il utilise au mieux dans l’écriture de ses tankas irrespectueux, toujours entre l’envol et la chute, l’ellipse et la brièveté. Travaillant quelques éléments de sa vie (la mort de son fils, la séparation d’avec celle qu’il aime – « Ah si pour sincèrement / lui ouvrir mon cœur j’avais un ami ! / Je commencerais alors par lui parler de toi » –, ses métiers etc.), cette suite de tankas est un livre que l’on reprend sans cesse, redonnant ainsi à son auteur un peu de la vie qu’il n’a pas eue. « Soudain je m’aperçus / que dans une gare perdue au fond des bois l’horloge s’était arrêtée / Train de nuit sous la pluie »




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Traduction du japonais et postface par Yves-Marie Allioux
Philippe Picquier
204 p., 20,00 €
couverture