par Narciso Aksayam
Papier Machine
Revue à thème et à devise, Papier Machine programme un contenu de refus élocutoire contre l’approbation silencieusement implicite et le consentement muet qui règnent ailleurs. Sous couvert de typographie, un signe passe à table après avoir été passé à tabac page après page. Boucherie lexicale, anatomie délicieuse pour carnassiers culturels : l’Esprit est d’ailleurs au premier rendez-vous, zéphir mathématique, menu diaphragmatique, pour repas de SOUFFLE élaBoré. La bourrasque est immense et gonfle lourde d’haleines polyglottes, pour tout emporter, meubles et fournitures lexicales, sans pouvoir oser jamais y mettre… un terme. C’est une poésie totale, à la lettre : sculpture de papier (Natalie Lafortune), caverne de Cratyle (Aldwin Raoul), google translate (Blake & Neruda), chronique d’un dernier souffle étymologique (Lucie Combes), dialogue photographique pour drap et vent (Christian Bujold), infibulation du réel par un point de fiction (J.-P. Monfrançais), flavour menthol (Rirbaucout), litanie – pas ponctuée – d’ovaire et de vidange (Milady Renoir), souffle animal vif et pesant (J.-P. Courtois), entre autres, mais aussi un peu d’économie, de graffitis, d’asthme, de spasmes et la vraie immanence du geste en sa matière immédiate (Y. Q. de Saint-Pern), des anciens, des modernes, quelques bonnes claques, par des contributeurs qui se comptent 24, soufflets de lucre, de voyage et d’inspiration.
Papier Machine n°2
C’est changement de pelure pour cette fulgurante revue qu’on a pu découvrir vivante à Beaubourg : papier mat et crémeux pour ce numéro 2 dont le mot-rallye à éplucher pour thème est cette fois-ci TRAPPE. Ornée en garde par de mystérieux motifs, Tétris à la craie grasse (Elsa Lévy), cette livraison affine sa maquette et porte le nombre de ses contributeurs à 37. Encore une fois, les narrations dominent, fût-ce en images muettes (A. Deschamps). L’échantillon sémantique du piège, idéologique ou de vénerie, s’y mêle à celui des portes de cave, de couvent, ou aux mémoires informatiques. Gougueul.trad prémâche les beaux vers de Marais et Morais, Betty Lamoulie pulvérise Ovide par un leurre de transparence, graphisme de vasistas (Laurence Skivée), tombeaux d’alcalines (Grégory Voivenel), auto-organisation de plumes et d’écailles (Julie Rouanne), entrées de gros volumes reliés cuir, saillies de rêves en monochromes enchevêtrés (J. Blezzard), cuisine lituanienne (Alksnyte & De Wel), égouts aux souffles méphitiques (tiens, ce n’était pas le thème du numéro précédent ?), pièges de crevette publicitaire, labyrinthe dont tu es le héros… Ça culbute mot à mot, terme à terme, en une liste goutte à goutte qui pullule jusqu’à l’annonce lexicale du prochain élu qui puisse être dit : MANCHE.
Perroquet !
Encore à la recherche de sa matérialité sensible, encore de chair toute laiteuse de sa naissance, pourrait-on dire de son papier si blanc, la revue Perroquet arbore déjà cependant quelques belles plumes, et pour le moins, colorées. Tout ici est partition sonore, plan rassurant des profondeurs scéniques avant d’être agité outre-page. Une fontaine célèbre du cinéma italien ouvre à la renverse la robe confidentielle d’une première ivresse (Magali Brénon). La danse emporte les corps ostinés (Michel Fadat). Puis, impressives, les onomatopées kyotoïtes hoquètent en 4 scènes polyglottes et annotées (Laurent Colomb). Une correspondance-entretiens s’extrait d’Accidents aussi scientifiques que littéraires (Noëlle Renaude & Barbara M.-Chastanier). Charlotte Salomon (oui, la peintresse du Renaudot 2014) traverse la scène, toute vibrante d’Alfred Wolfsohn (Sarah Cillaire). Un journal de Routines, entre mérite des violences conjugales et adolescence clean-ex ferme le massif des partitions (Daniel M.-Borret). Les trouvailles bibliophiles ajoutent Nicolas Guest au défilé esthétique (Sébastien Porte). Une supplique à la Mort achève le bal (Michel Fadat). Ainsi traces et signes répètent, psittacés, les corps et gorges en appel de papier vers des reliefs vivants d’échos.
Toute la lire
Beau bistre sur la tranche et jusqu’à l’ébène dense surexposée des photographies qui la rythment, c’est brûlé de soleil que l’œil parcourt ces pages aux chiffres gros comme d’un jeu de cartes à 176 lames. Une poégraphie insoumise de cœur y imprègne d’anthropie la parole. Je fais partie de ce que je veux dire. Frank Smith, parmi les verbes légiférant à l’unisson des Nations, entre d’emblée dans le contrefactuel à même le littéral. Tomas Tranströmer tambourine à la porte de peau du Bénin. Longues cassations indécidables, éthique de la désorientation, minuit trente, font le glissement ferroviaire d’Alexandre Friederich. Quelques Noèmes brefs d’Alain Borer contemplent la minutie sous-entendue de paysages scéniques. Parmi les confessions intraduites d’Yves Stranger, une valse des années quarante de Jesper Svenbro, la fête à plein temps des talus qui closent le chant goudronne la copie de pluie de J.-M. Gleize. Un cantique à deux voix scrupuleuses arrête à peine deux hommes ricochant dans le cœur de Nathalie L.-Cresson. Passe une femme fatale traduite du russe. Christian Désagulier entraîne Hölderlin en Afrique, et toute une charge de romantisme d’époque. Puis comme semailles d’instants, les ici de Pascale Petit germent en habitats fugitifs. C’est qu’avant d’être une Déclaration d’esthétique, une ligne d’Éthiopie (Eloi Ficquet) ou une ascendance de fer (Chantal Neveu), Toute La Lire est une proclamation, d’éclat et d’exploration.
N° 1
« Souffle »
Bashibouzouk A.S.B.L.
96 p., 14,00 €
N° 2
« Trappe »
Bashibouzouk A.S.B.L.
128 p., 16,00 €