par Antoine Emaz
Ancet poursuit ici ses « travaux de l’infime », pour reprendre le titre de son beau livre paru chez Po&psy en 2012. Le poème vise une sorte d’être là a minima, dans l’intensité complexe et transparente de l’instant présent, lorsque la limite dehors / dedans devient floue, créant une désorientation d’être, entre étonnement et peur. Le réel est bien là (table, tasse, arbre, fleurs, montagne, ciel…) ; l’autre, les autres sont présents, on les entend. Mais le « je » est devenu poreux, léger ; il n’adhère pas plus qu’il ne participe, il assiste et s’interroge. « On est là. (…) On n’y est pas, non. (…) Mais, c’est comme si on y était. Presque. On est dans ce presque – on est ce presque. » Les trois suites de courtes proses qui constituent ce livre ne proposent pas vraiment un trajet ou une progression, mais plutôt un sorte de mouvement tournant autour de l’expérience d’exister quand on « entre dans l’âge du fragment » et qu’il devient évident qu’« on ne sait pas, non. D’ailleurs que pourrait-on savoir ? » D’où les mots et les images comme maintenus à un bas régime, proche du silence, du « murmure » et de la « pluie », entre infime et intime , fragilité et maîtrise.