par Bruno Fern
Ce livre est fait de 43 blocs de prose, d’une à deux pages chacun, qui commencent sans majuscule et finissent sur un ou plusieurs mots entre parenthèses. Le sous-titre semble autant renvoyer à la précision exigée par la gravure qu’au flou dû à l’emprise d’une drogue – une indécision donc calculée. De plus, on pense forcément à une mécanique qu’on pourrait qualifier de lyrique, à condition d’éviter toute connotation fadasse – d’ailleurs c’est l’un des objectifs : « Tu cours après le mécanisme qui fait entrer ma langue dans ta bouche. […] C’est enfin la création de ta langue grâce à la langue mécanique. » Et ce sont bien des petites machines que lance Ana Tot, enchaînant les variations autour d’un point de départ qui peut être aussi celui d’une reprise, tellement les textes tournent sur eux-mêmes sans appartenir pour autant à cette tendance évoquée par Éric Suchère : « Idiotie, minimalisme, ritournelle, poème sériel... les mots magiques sont lâchés. »1 En effet, il y a ici un véritable travail d’écriture à travers les multiples jeux sémantiques et sonores ainsi qu’une gravité existentielle qui n’exclut pas l’humour : « Le dédoublement, sans me guérir tout à fait de l’incommodité de l’envie, me permet au moins de me jalouser un peu, enfin. »