par Patrice Corbin
Aimé Césaire, le nègre fondamental
Les écrits politiques d’Aimé Césaire pour les périodes 1935-1956 et 1957-1976 font l’objet de deux volumes aux éditions Jean-Michel Place. Le travail qui nous est présenté est remarquable, notons tout particulièrement le soin apporté à l’établissement des textes par Édouard de Lépine. Il s’agit d’une somme considérable de documents politiques et historiques qui relatent les multiples combats menés par cet immense poète que fut Aimé Césaire. Il est et restera l’homme de la négritude ; sa voix résonne de concert avec celle de Victor Schlœcher, l’artisan de l’abolition de l’esclavage. Césaire, le député, le maire de Fort-de-France, interpelle, fustige la bourgeoisie propriétaire et les capitalistes, il assène, lui le « nègre fondamental » dans l’Impossible contact : « J’ai beaucoup parlé d’Hitler. C’est qu’il le mérite ; il permet de voir gros et de saisir que la société capitaliste à son stade actuel est incapable de fonder un droit des gens, comme elle s’avère impuissante à fonder une morale individuelle […] Au bout du capitalisme désireux de se survivre, il y a Hitler. Au bout de l’humanisme formel et du renoncement philosophique, il y a Hitler. » Séparer le poète du militant politique, c’est ne pas comprendre que l’un et l’autre ne font qu’un, du Cahier d’un retour au pays natal aux multiples interventions politiques, nous entendons le même homme appelé à la lutte pour l’émancipation de l’esclave nègre, et au-delà, de tous les peuples asservis. L’engagement du poète, du militant ne s’estompera jamais au profit d’une notoriété déjà acquise. Le lecteur attentif sera comblé par la puissance de l’idée et la finesse du discours. Il entendra la colère intelligente parce que révolutionnaire de l’homme noir, il appréciera la clairvoyance et la pugnacité d’un immense orateur. Il aimera cet homme.