Change numérique

 
par Nicolas Tardy

Nous habitons les sociétés du montage. Démonter leurs formes ne suffit pas :
il faut aller jusqu’aux niveaux où elles se produisent elles-mêmes en engendrant
ce jeu des formes — pour les
changer.
Liminaire du n°1

Le premier numéro de la revue Change a paru en 1968 sous l’impulsion de Maurice Roche, Jacques Roubaud et Jean-Pierre Faye – ce dernier, en rupture avec Philippe Sollers, venant de quitter le comité de rédaction de Tel Quel. Avec comme première thématique le montage, Change annonçait la couleur : un intérêt pour les notions de montage dans l’écriture ; un intérêt pour les autres arts, la façon dont ils peuvent résonner avec l’écriture – tel le cinéma, à travers les travaux des avant-gardes russes – ; un intérêt pour la mise en forme de la revue comme pratique du montage. En effet, la mise en pages, en espace livresque, était pensée, explorée, afin de procurer au lecteur une lecture particulière de chaque fragment qu’elle contient (textes critiques, poèmes, proses singulières, citations…).
Cette – indispensable – édition numérique, où chaque page de chacun des 41 numéros parus, plus le hors-série Polyphonix (dernier numéro, paru en 1983, à l’occasion de l’édition 5 de cette manifestation créée par Jean-Jacques Lebel) a été scannée, nous donne non seulement accès à l’intégralité de la revue, mais y apporte une circulation nouvelle, permettant de visionner double page par double page (comme un diaporama), page par page via la table des matières (barre latérale) ou via un tableau (avec des liens) reprenant les couvertures des 41 numéros. Mais l’on peut aussi utiliser la fonction de moteur de recherche pour aller directement vers certaines pages (31 pages proposées si l’on fait une recherche sur le terme Jack Spicer ; 186 pages sur le terme cinéma…). Chaque (re-)lecteur de Change numérisé pouvant alors devenir monteur au sein de ce corpus extrêmement riche.
Dans le Manifeste du change en d’autres termes, publié dans le n° 24, J.-P. Faye, rappelle que « La langue, en se changeant, change les choses. Accompagnant tous les autres gestes matériels des hommes. » Parmi ces changements de langue, dans la langue, la traduction semble détenir une belle place – la façon dont la langue source bouscule la langue cible – avec les n° 14 Transformer Traduire ; n° 19 La traduction en jeu ; mais aussi les n° 37 Allemagne en esquisse ; n° 39 L’Italie changée ; n° 41 L’espace Amérique… Sans oublier des traductions disséminées dans d’autres numéros aux thématiques non liées à un espace géographique / linguistique. Mais aussi le décalage langagier plus subtil entre le français de France et celui du Québec avec le n° 30 / 31 Souverain Québec où publie, entre autres, Michele Lalonde – avec son poème devenu emblématique Speak White –, qui publiera à nouveau dans le n° 36, puis deviendra – signe d’ouverture s’il en est – correspondante étrangère officielle à partir du n° 39. Consacrer alors un numéro au Québec était – en 1977 – aussi symptomatique du rapport entre langue (dominante) et (discours) politique que Change questionnait, tout comme la question des frontières, des pratiques artistiques, des domaines de réflexion, des approches poétiques (l’accueil de Polyphonix – apparemment loin de l’univers des membres fondateurs – bousculait là aussi les définitions étriquées).




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Édité par Abigail Lang
Compilation numérique et indexation réalisées par Dominique Pasqualini et Olivier Perriquet
Les Presses du réel
« Motion Method Memory »
8482 p. au format PDF, 20,00 €
couverture