Thierry Froger : Sauve qui peut (la révolution)

 
par Christophe Stolowicki

De travelling à plan rapproché articulés deux récits à deux siècles d’intervalle que ponctuent des pistes de scénario en fac-similé de frappe machine ; prise à bras l’accord la mémoire d’une ascendance qui excède les psychanalytiques trois ou quatre générations ; étale à crues brusques évidant le regard (« chaque pensée devrait ressembler au naufrage d’un sourire ») une fiction de la Révolution évadée de l’Histoire plonge en abyme sur les amours d’un cinéaste révolutionnaire, « JLG ». À subtiles, solides, érudites ficelles, chutes colloïdales, de gravité ductile comme une montgolfière fil à fil retordu ; bouillon de culture, brouet de dialectique débrouillé d’images, l’Histoire rechignée en marionnettes de Danton, Robespierre, Napoléon ; tenant la gageure de zeugmes en rafales, à la volée, à la commande, du dédoublement sémantique rompu en place de grève lente (« granges où la tiédeur des foins préparait l’hiver avec les souvenirs coupés de l’été ») ; compacté en zeugmes comme une tragédie est composée en alexandrins ; ponts suspendus sur le fleuve, cette paresseuse Loire charriant des cadavres, vertigineux ouvrages dardés aux dedans longs, impasses d’armes : paru trois ans après un premier livre1 ajourant le sonnet comme on écarquille la poésie, un chef d’œuvre de roman de poète.




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Roman
Actes Sud
448 p., 22,00 €
couverture

1. Retards légendaires de la photographie, Flammarion « Poésie », 2013.