Deux livres-disques aux tonalités différentes, un effilochage subtil et un bruitisme assourdissant. Costa Monteiro développe dans Anima un travail de poésie sonore dans une version plurilingue en français, espagnol et portugais. Ce qui pouvait paraître comme un texte tourné vers l’intérieur se mue en une mélopée, un mot en initiant un autre pour former une nouvelle langue hybride. Une sorte de mélange entre une écriture blanche du fragment décontextualisé, intime et essentialiste, et une pratique formellement issue des avant-gardes. Car si le sujet peut paraître universel – le mal-être nommé « mal à l’âme » – la livraison ne l’est pas : nulle nostalgie, plutôt une musicalité du télescopage des langues dans une partition. Visuellement, le texte zigzague en serpent : il se lit donc de haut en bas, tantôt de droite à gauche, tantôt de gauche à droite, à l’image de l’« iléon » (p. 34), troisième et dernière partie de l’intestin grêle. Par combinaison, mutation des lettres et des syllabes travaillant phonétiquement les l, m, n, les labiales et nasales, on passe vers l’anonyme, l’anormal, l’inhumanité, jusqu’à l’immolation et l’extinction, apocalyptique suicide. Le thème premier se dissémine donc en différentes directions beaucoup plus impersonnelles qu’on aurait pu le pressentir au départ. Il y a donc bien une ligne narrative souterraine vers le devenir animal, l’« anima animal », l’« alimaña », la bête monstrueuse. Se produit vers la fin un signal, un aigu sinusoïde perturbant et comme un dernier râle persistant. Une écriture de l’asphyxie dans un contexte de fin du monde. Lecture sèche avec des effets de réverbération des mots par l’intérieur, système d’échos. Hypnotique.
Par contraste, Aspis restitue les moments de panique d’une diction sous suffocation. Un travail sur la distorsion des effets de micro placé dans la bouche, brouillage de mots indépendants pris dans des effets de saturation : bruitiste.