par Jean-Pascal Dubost
Langue trou est le constat d’un échec : l’érotisme poétique ne peut que tomber à plat (« je ne me représente pas quelle langue on pourrait inventer pour échapper aux stéréotypes du lyrisme érotique »), ou ne chercher que dans le sexuel (« je n’écris pas sur l’érotisme, j’écris sur le cul ») pour susciter quelque réaction de pensée. Alternant poèmes en vers et fragments de prose en commentaires, ce livre, qui ne peut faire fi d’une démarche déjà abondamment théorisée1, explore, via l’érotisme, l’insondable « trou » qui s’oppose entre écriture et réel. L’érotisme étant, c’est de commune facture, considéré comme ce qui contourne par le suggestif ; ledit trou peut-il être évité de cette manière ? Le sexuel serait ce qui entre en relation direct avec le réel ? Langue trou n’est pas un livre érotique, ni sexuel, mais une réflexion engagée sur les mots du poème (« il n’y a pas plus de poésie dans une chatte que dans la vie »). Et, du coup, sur la sorte de relation avec l’impossible réel qu’ils entretiennent, indirecte (érotique) ou directe (sexuelle) ? Ou autre ? Il n’y aurait, voire, pas de réponse, ce qui n’empêche pas de l’écrire.
1. Celle de Christian Prigent par exemple : « Trou(v)er sa langue », titre du colloque de Cerisy qui fut consacré à son travail en 2014.