par Sébastien Hoët
Etel Adnan est une auteur d’origine libanaise mais ayant vécu en Californie et à Paris, publiant en anglais et en français, et de notoriété mondiale. Ce livre à la curieuse maquette – on dirait un livre pour enfants, cet ouvrage cartonné à la couverture verte et aux caractères de façade multicolores – recueille des paragraphes d’une petite dizaine de lignes chacun, blocs de rêverie, de réflexions philosophiques, politiques, qui dérivent selon leur mouvement propre mais tournent en tourbillon autour d’un îlot central, la nature et son geste cyclique imperturbable, éternel. Ce mouvement tourbillonnaire, centripète, rappelle beaucoup celui des films de Terence Malick, où les guerres rageuses ne parviennent pas à inquiéter le toucan perché sur sa branche ou la sauterelle qui balance sur son herbe : « Les poissons sautent lorsque la canicule fend une luminescence terne. Bruits que font les passants. (Lorca est tombé sous les balles.) L’océan, au-delà des collines, incarne une décision unilatérale de la géographie, son intensité allégée par sa beauté (…) Le centre restera central » (p. 12). « Le temps nous prend en passant » (p. 78), et ce n’est pas le moindre mérite de ce recueil d’inscrire l’homme, ses bonheurs, et surtout ses malheurs essentiels, dans cette fugacité du passage, dans la parenthèse réservée à la mort de Lorca, le poète et l’activiste – de le verser dans la paix minérale de l’horizon.