par Alexandre Ponsart
Nimrod a quitté sa terre natale, le Tchad, il y a plus de trente ans, peu après l’assassinat de son père. Il vit en France et a déjà publié de nombreux ouvrages comme Pierre, poussière et Babel, Babylone, parus aux éditions Obsidiane en 1989 et 2010. Avec Sur les berges du Chari, l’auteur nous entraîne sur le fil du fleuve qui se jette dans le lac Tchad et qu’il découvre à l’âge de cinq ans. Nous contemplons alors une terre qui renoue avec l’eau.
L’eau du fleuve est au centre du poème, il en est la vie même. Celui qui voit défiler l’Histoire.
C’est toujours sur les bords de l’eau qu’on prostitue les grandes causes. Nimrod met en lumière les guerres civiles, les luttes de pouvoir qui tuent et viennent colorer l’eau de rouge. Dans l’histoire de ces massacres, la France a également joué un rôle. Oublions cette honte qui teinte Paris de la cendre de nos restes. C’est la misère française.
Toute cette eau est délimitée par le ciel que l’on retrouve dès le début avec le poème d’ouverture Au ciel suivi de ciels errants. Pour l’auteur, « quand on est sur l’eau, on est sur le ciel aussi »1. Le ciel sa voilure les nuages aussi et ce vent à qui l’océan sans ride sans biffure.
Cinq parties de tailles et formes diverses composent le livre. Elles viennent toutes irriguer le fleuve et par là même fertiliser la terre. J’écris un poème sur l’or qui court dans l’herbe jusqu’au pied du grand tilleul. Ces eaux tumultueuses emportent en elles l’enfance, la famille de pêcheurs, les combats : je suis un pêcheur / mon enfance dérobée / Où sont allées mes jeunes années ? / J’ai aimé ma mère j’ai embrassé son destin / Je l’aime / Encore un bûcher des corps noirs en bas des escaliers.
Songer au passé et renouer avec les eaux. C’est avec la dernière partie que nous y arrivons. Pour commencer il faut prendre le Bac et achever le voyage. Nous avons remonté le fleuve. Le Chari confirme la géographie du Congo (…) S’y fait entendre l’écho du Zambèze et le bac maître des liaisons liquides flotte sur ses rondins (…) accoste enfin dans la bouse les roseaux et les mimosas aux fleurs roses. Ici, nous retrouvons la lumière si spéciale, le soleil cuisant et les bois flottés. Nous renouons avec l’eau, le ciel et la terre.
L’eau du fleuve devient l’eau du ciel et s’unissent pour dépeindre un paysage d’une sublime beauté que Nimrod nous révèle avec passion et sincérité. Car le grand fleuve sous octobre se raconte.