Nicolas Pesquès : La face nord de Juliau, treize à seize

 
par Monique Petillon

La face nord de Juliau est un chantier poétique inouï, inachevable, et sans cesse renouvelé… Depuis le premier volume (André Dimanche 1988), six autres ont paru chez le même éditeur, jusqu’à La face nord de Juliau, huit, neuf, dix, publié en 2012. Nicolas Pesquès, qui a beaucoup écrit sur la peinture, a voulu retrouver devant sa colline ardéchoise l’assiduité de Cézanne devant la Sainte-Victoire.
« “Bon qu’à ça”. Bond cassé » écrit-il, parodiant Beckett. Une expérience avant tout sensorielle : « C’est le corps qui m’a conduit jusqu’ici, à faire ce qu’il savait le mieux : voir, écouter, recevoir, sentir ». Traversé par la couleur jaune du genêt, l’ouvrage contenait une obscurité enclose. Cette « lumière noire » envahissait le huitième volume, La face nord de Juliau, onze, douze, publié en 2013 dans la collection Poésie / Flammarion. Consacré à la « dernière saison » d’une mère qui avait aimé peindre la colline, le livre s’achevait avec le retour de la vie et de la couleur jaune : « le lieu, le livre, le lièvre ».

L’important volume qui vient de paraître, La face nord de Juliau, treize à seize, surprend par la variété des approches et des formes. C’est d’abord, dans un journal daté, de 2009 à 2012, une interrogation sur « ce que le langage fait au paysage – et réciproquement ». Nourri de citations de Dickinson et Dupin, Pizarnik et Reverdy, le journal évoque des doutes, des silences. « Longtemps je n’ai pas écrit la colline. La vie aura précédé ». Il revisite les « formules », ces « cristaux théoriques » qui émaillent les Juliau. Il dit aussi la « simple joie d’aller » dans un paysage fourmillant de vie animale : « la bande traçante : brume, lièvre, perdrix ». S’il n’est pas question de l’« âme », il s’agit bien du « désir », ou de la « grâce » – celle d’un corps qui va. Après la prose, le livre seize revient au poème bref, souvent composé de distiques. Il suit le livre quinze, qui ne contient que deux mots, isolés dans le blanc de la page : « nous /               / sommes ».




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Flammarion
« Poésie »
254 p., 18,00 €
couverture