Michel Deguy : Prose du suaire

 
par Yves Boudier

Méditerranéen, comme une mer au cœur des terres, comme la parole, la pensée et la voix désormais éteinte d’Abdelwahab Meddeb défiant les croyances, les mensonges philosophiques et politiques, le poème de Michel Deguy se décline en vingt langues, épitaphes vivantes en hommage à l’ami, au frère en poésie et culture. Prose de la présence du disparu, de la figuration dont le suaire a pour mission de porter la trace, cet hymne aux reliques de « notre Histoire non sainte » s’inscrit dans une liturgie de l’adieu pour que la mémoire partagée n’entre pas dans le silence. Un « tour » de Babel en vingt poèmes pour conjurer l’exode, la dispersion, une véritable transsubstantiation en langues, Prose du suaire appartient à ces livres imprévus dont seule la mort, elle prévisible, donne la force de les écrire, plus encore de les lire comme une tresse de traductions où l’original disparaît pour céder sa place à l’autre, ainsi multiplié, depuis l’arabe du poète en soufi jusqu’à l’universel latin, langue morte mais survivante. Telles celles des chanteurs de thrènes nés du chant XXIV de l’Iliade, ces voix gravées dans les signes ou les alphabets que les hommes se sont donnés pour conjurer la mort traversent jusqu’à nous l’opacité des langues et délivrent l’absolu secret : « La vie à l’œuvre est la vie pour le convivre ».




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Un poème en vingt langues pour Abdelwahab Meddeb
Al Manar
« Poésie »
56 p., 15,00 €
couverture