par Antoine Emaz
Le livre est constitué de « notes » proches du poème en prose, qui sont autant de fiches signalétiques des groupes composant la population d’une « ville » imaginaire où chacun n’est ni heureux ni malheureux, mais simplement à sa place, fonctionnel. On trouve ainsi des « hommes-pot », des « hommes sans pensée », des « hommes jetables », des « hommes qui s’effritent », des « hommes transparents », des « hommes-porte », etc. Il y a bien sûr pas mal de jeu, d’humour et de fantaisie dans cette description sociologique froide d’une ville et d’une vie imaginaires. Mais on hésite finalement entre sourire et peur devant cette aliénation douce, cette acceptation généralisée de n’être que son rôle social. Hommes devenus rouages d’une machinerie bien huilée et qui trouve sa justification dans son seul fonctionnement. Dont on exclut ou marginalise les artistes, les révoltés, les inutiles, « les restes d’hommes ». La liberté imaginaire pourrait faire penser à Michaux, mais on ne peut exclure ici l’emploi de la fiction comme un détour pour nous ramener à notre présent : une société épuisée, sclérosée, enlisée entre « l’homme-rien », « nous tous », et « l’homme-tout », mais « on a cessé d’y croire ».