Johannes Kühn : À qui appartient ce long cortège de nuages blancs ?

 
par Alexandre Ponsart

Johannes Kühn est un auteur allemand qui a reçu plusieurs récompenses pour son œuvre dont les prix Lenz et Hölderlin. En 1993, il fait son entrée dans l’Anthologie bilingue de la poésie allemande dans la « Bibliothèque de la Pléiade ». Dans la postface du livre, Edoardo Costadura écrit, « ce qui constitue le noyau de cette œuvre et sa force durable c’est la voix incomparable de ce poète, l’inspiration véritable, non feinte, imperméable à toute altération (...) Ce poète (…) est sous le charme de la muse (…) qui a tellement élargi son expérience sensible qu’il est capable d’empathie avec les êtres humains, les animaux, les plantes ».

La poésie de Kühn est une ode à la nature. Les poèmes sont regroupés en trois parties. Il rend hommage aux animaux, aux plantes, à tout ce qui vit. Le poirier au vent d’automne, Appel du merle, La joie d’être à la fenêtre, Le scarabée sur la table en été.
Dans le cycle immuable de la vie, la place de chaque être vivant apparaît. Sans jugement aucun. Les ailes tremblotantes du papillon défaillent et se font rigides au bord du chemin. Le jardin ne sombre dans aucune tristesse, il reste à demeure pour des oiseaux tout à leur joie. Dans cet éloge du vivant rien ne vient contrecarrer le fil de l’existence. L’auteur, par ses poèmes suit les va-et-vient de la nature avec un profond respect. Il l’accepte et la retranscrit avec sobriété. Tel un fils de la modestie céleste, armé d’épines le roncier fleurit. Restons donc près de lui, à nous taire et l’honorer en contemplant longuement ses branches.

Pour arriver à décrire aussi bien le monde qui nous entoure, l’auteur fait de l’exercice. Réussir à se mettre en retrait pour ne pas déranger son environnement. Mais pas trop tout de même sinon la description serait faussée. Ma langue (…) fait silence pour ne pas troubler l’air qui ne m’a pas attendu pour célébrer les étoiles et qui, voilé de rosée, m’enlace de sa bonté.

Avec ses poèmes, Johannes Kühn nous délivre un message simple. Celui de s’accepter et d’accepter la vie qui ne cesse d’avancer. Voilà que j’ai soudain la peau flasque et les cheveux couleur d’âne, entends presque aussi peu qu’une pierre, appelle le poteau comme un fils ma raison décline. Faire de simples choses un moment de joie. La joie d’être à la fenêtre, je l’ai encore. L’auteur réussit à laisser les choses être ; elles sont ce qu’elles sont et c’est à nous d’y trouver du plaisir.

Des désirs plus profonds
ne jaillissent plus des vieux sens ;
un scarabée sur la table en été
dans le jardin, avec quelle facilité il supplée
à de nouvelles joies,
au monde animal d’un zoo de ville,
de même qu’un morceau de pain blanc et de l’eau suppléent
au vin d’un festin, riche tablée d’un mariage
.

Une fois la lecture de ces poèmes terminée, nous ne percevons plus la nature de la même façon. Tout est plus simple, plus limpide.




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Traduit de l’allemand et préfacé par Joël Vincent
Postface de Edoardo Castadura
Édition bilingue
Cheyne
« D’une voix l’autre »
192 p., 25,00 €
couverture