Leopoldo María Panero : Mon cerveau est une rose / Conjurations contre la vie / Ainsi fut fondé Carnaby street

 
par Sacha Steurer

« Si le fou persistait dans sa folie, il trouverait la sagesse »
William Blake, Le Mariage du ciel et de l’enfer

« Pratiquer la poésie serait convertir, comme le fait la folie, la réalité en un poème maudit », ainsi le programme poétique de Leopoldo Maria Panero énoncé dans l’un de ses essais. Certains parleraient d’esthétisation de la folie, mais si l’auteur espagnol, décédé en 2014 après trente ans de vie en hôpital psychiatrique les entendait, il assumerait pleinement la critique. Ayant suffisamment vécu en dedans du mal (diagnostiqué schizophrène et interné par sa famille), et suffisamment en dehors, par sa conscience même, qui mieux qu’un malade pourrait parler de la maladie ? Et de ce que l’on peut en faire ? Car c’est bien d’en faire quelque chose dont il s’agit. La folie, « elle n’a pas à être à ou à ne pas être mais à faire » affirme t-il, et même ce qui déplaît, et même l’affirmation du néant dans lequel plonge la souffrance. « Néant », mot qui revient tant de fois dans sa poésie, façon de buter sur les mots mais de l’assumer avec rage.

Fils d’un père franquiste, c’est un chemin de rébellion qu’il a emprunté toute sa vie. Engagé dans la lutte libertaire, dans l’émancipation langagière, il connaît la clandestinité, la prison, l’alcool, la dépression, les tentatives de suicide et l’internement car « La psychiatrie a été conçue pour [lui] éviter la descente aux enfers, au lieu de [le] guider à travers eux ».

Cédric Demangeot, poète et éditeur de fissile, qui s’était déjà attelé à la publication en langue française de l’œuvre du poète avec Bonne nouvelle du désastre (2013), poursuit son travail avec la publication de deux livres à lire en tension l’un avec l’autre : Mon cerveau est une rose, compilation d’articles et d’essais publiés des années 1970 aux années 1990, et Conjurations contre la vie, un ensemble de poèmes écrits entre 2005 et 2010. Entre-temps, l’auteur, traducteur, dont l’un des vœux les plus chers était d’être traduit en langue française s’est éteint. Volonté accomplie.

À lire également, très différent, un écrit de jeunesse survolté, explosif, publié par Le Grand Os : Ainsi fut fondée Carnaby Street, synthèse de la matière publicitaire, culturelle de son époque, fondement de sa vision apocalyptique de l’ère du consumérisme, écrit quand il n’avait que 22 ans : « Aujourd’hui… Le Temps, l’Espace… Seuls sans équation possible. »




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Mon cerveau est une rose
Traduit par Victor Martinez
Fissile
« l’Autre »
224 p., 21,00 €
couverture
Conjurations contre la vie
Traduit par Cédric Demangeot, Rafael Garido et Victor Martinez
Fissile
« l’Autre »
304 p., 24,00 €
couverture
Ainsi fut fondé Carnaby street
Traduit par Victor Martinez et Aurelio Diaz Ronda
Le Grand Os
88 p., 12,00 €
couverture