par Antoine Emaz
Huit suites de poèmes, de longueur variable, elles-mêmes fragmentées en séquences très courtes, jusqu’au vers, unité de base souvent presque autonome pour sens et rythme, même s’il participe au mouvement global de la page. Éric Sautou juxtapose plus qu’il ne lie ; sa poésie est un art de la fragmentation et du montage, travail d’une conscience feuilletée, facettée, plutôt qu’exposition d’un moi uni, globalement lisible à lui-même. Comme si le « récit » était impossible au-delà d’un « léger frémissement ». L’expérience du deuil (le livre est dédié à la mère) participe de cette désorientation : les deux beaux poèmes sobrement intitulés mère et père indiquent la complexité violente de la relation qui a pris fin ; elle laisse le poète face à une mémoire malaisée. Écrire « pour être à soi », « pour s’appartenir », devient un horizon douteux. Présentement, il s’agit davantage d’être confronté « à ne pas se savoir » et « à tenter d’écrire (mais encore une fois de quel lieu de soi) ». Ce livre retient et tranche, non seulement par une écriture qui intègre des tensions contradictoires et les fait tenir de façon neuve, mais aussi par sa justesse de ton, sincère sans naïveté.