par René Noël
La plaque de cuivre d’où se dresse le cheval lève le cap, brise l’anonymat. Martin1 n’est-il pas celui qui voit, sort le vallon du hors-champ dans lequel l’a plongé la nuée d’images interchangeables ? Ce n’est pas tant de hasard dont l’homme serait aujourd’hui sevré et qui ferait défaut, mais la création, l’original et la copie ensemble, poussée hors du cadre. Non pas anéantie, personne n’étant en mesure d’anéantir l’imagination créatrice, mais hors écrans. Moins éclipsée qu’otage de la tyrannie d’un relativisme caricatural, la succession des objets et des faits hétéroclites du monde privés d’ombres et de mémoires monopolisant et saturant l’étendue. Martin déplace son regard vers ces côtés et hauteurs bordurés où la couleur est mouvement. La rencontre de l’œil et de l’action, du peintre et du poète, s’expose ici dans ses premiers pas, vers incisifs et concis. Le fond de l’œil compose son ciel à l’instant t, l’oreille du poète écrit noir sur blanc le monde entier – le cosmos – de son néant à ses naissances. L’art ne connaît de reprise, l’impuissance plénière, égale la lumière la nuit jumelles, vif éclat ininterrompu qui désire la main et l’œil du peintre et du poète neufs. Un toujours composé de tout autre, corps entier de l’infini, impératif et imprévisible.
1. Chevaux des vagues [cycle de Martin] Motets, La Nerthe, 2015, qui regroupe trois cycles poétiques, épopée lyrique de notre temps.