par Sylvie Durbec
Aujourd’hui, Louis Calaferte, fils de maçon italien, lui-même émigré très jeune en France a la reconnaissance qu’il mérite. Ce livre fait entendre sa voix et c’est un de ses nombreux intérêts. Constitué de deux entretiens menés par Patrick Amine et de lettres de Calaferte envoyées à Jacques Henric qui signe la préface, il fait partie d’une collection initiée par Art Press, ouvert sur la pensée et la création contemporaines. La forme de l’entretien permet à Patrick Amine d’orienter Louis Calaferte sur des aspects fondateurs de son œuvre : la solitude, le sexe, la mystique, l’écriture évidemment, mais aussi ses rapports avec la critique et ses contemporains : il en éreinte au passage quelques-uns dont Jean-Paul Sartre et dit son admiration pour Joseph Kessel. Mais l’intérêt principal du livre, outre de nous permettre de mieux connaître la vie de l’écrivain (il évoque des moments précis comme son arrivée en France ou le scandale de la publication de Septentrion), c’est le rapport qu’entretient Calaferte avec l’écriture. Il ne cesse de dire la supériorité de la littérature sur l’image, de dénoncer « une époque de merde » où les vrais écrivains ne sont pas lus. « Nous sommes, je crois, (écrit-il à Jacques Henric en 1986) aujourd’hui, quelques-uns encore à sillonner cette voie littéraire qui accorde au livre sa vraie valeur, indépendante de toutes les autres formes ». Jusqu’à la fin de sa vie, Calaferte reste persuadé que seul le travail « sauve de cette défaite physique qui est la (s)ienne » et continue à fustiger « le règne des gangsters de l’esprit » qui élisent la loufoquerie en norme littéraire. Son humour frôle le désespoir mais la conviction d’avoir fait œuvre est la plus forte. Un livre nécessaire.