par Mathilde Azzopardi
Bleu de travail, comme Autre chose, se compose d’une succession de brefs blocs de prose dans chacun desquels tient tout un univers, avec sa tonalité particulière : petites histoires avec chute, qui s’apparentent à la nouvelle ; tableaux ou instantanés, courtes scènes, qui ont davantage trait au poème. Thomas Vinau y capture des choses infimes, insignifiantes et belles de n’être pas attendues lorsqu’elles se présentent au regard, pour peu qu’il soit suffisamment aiguisé ; de petits miracles, « prétextes à vivre », comme les qualifiait Pierre Autin-Grenier, le père ou frère en écriture, qui, lui aussi, les traquait. « Avec le ciel et sans les dieux », se nourrir du spectacle des oiseaux, faire ce qu’on peut, « prendre ce qui passe ». Se dessine, au fil des pages, une chronique de notre humanité minuscule, nos batailles, nos peines et nos rares bonheurs, « des instants d’écharde et d’éclat », dans laquelle l’auteur prend place – « Le jour met son bleu de travail. Je mets le mien. » La langue qui porte cela cultive la simplicité à l’extrême : des mots de tous les jours pour des « poèmes de table », « poèmes de soif ». Des mots, de fait, pour rapprocher, se rapprocher, tenir droit. « En se tenant la main. »