par Nadine Agostini
John Ashbery est né en 1927. Associé à « l’école de New York », il est l’un des plus grands écrivains américains. Ce qui, à mon avis, caractérise l’écriture d’Ashbery, c’est la liberté qu’il s’autorise d’écrire ce qu’il veut, de sortir du cadre et des limites.
Vague. Où il est question d’un rêveur imprécis, de prendre l’indéfini au sérieux ou de l’omettre, de partager une expérience d’écriture, de se perdre dans les vers-prose-pantoum-sextine-haïkus-haibuns et le rythme en place de sens, le mouvement, de se laisser porter plus que de tenter de comprendre. Point de clarté ni de certitude. C’est tortueux, nébuleux. Vague serait errements, songeries mais aussi humour. Par endroits, John Ashbery emprunte et pastiche. Libre d’écrire ce que bon lui semble. « Assis sur les toilettes... / (Bon, les gars tout est bien arrivé, pas de problème... / Pour une fois, de quoi écrire en pagaille... » Les titres des poèmes aussi en font preuve. « Merci de ne pas coopérer. Mais que voulez-vous que le lecteur y comprenne ? Les puristes objecteront. » Outre des poèmes, dont Vague est le plus long, la nouvelle Description d’un masque.
Le serment du Jeu de Paume. Texte d’exil, ouvrage majeur. Vers, prose et notes savoureuses de l’auteur sur ses poèmes et une vente aux enchères. À chaque fois, on a l’impression de lire plusieurs textes coupés / secoués dans un sac / réaccordés de toute urgence. Cela donne un rythme, comme sauts d’une idée, d’une image, à une autre, sauts dans des espaces cloisonnés, dans le temps aussi. Style fragmenté, comme John Ashbery le dit lui-même, vers accidentés, syntaxe et rythmes brisés, images volontairement abjectes, paroles de chansons ou vers d’autres poètes glissés dans ses textes, touches de dessins animés, mode disjonctif, collages. Agencement du texte, ponctuation et majuscules parfois comme aléatoires. « Les / faux. / frise / sa misanthropie. brumes de poires. » Petites touches de toutes les écritures, de mots contre et à l’encontre. John Ashbery se prête ici à un match de tennis, saccage l’espace sacré, ouvre l’aire de jeu.1
Traduction et postface (« La poésie décontenance ») par Olivier Brossard
José Corti
« Série américaine »
144 p., 18,00 €
1. La première édition de ce livre aux États Unis, The Tennis Court Oath, date de 1962.