Éric Audinet : Bande-Annonce

 
par Jean-Marc Baillieu

Avant le film, les actualités et des bandes-annonces. Avant le mot fin,

Le livre propose d’abord (page de gauche) la photographie légendée d’un magnifique et majestueux lion de l’Atlas, et en regard (page de droite) une citation de Léon Trotsky relative à la guerre qui « s’intéresse à vous », deux éléments qui ouvrent ce récit (outre des poèmes, Éric Audinet est familier du genre) d’à peine 40 pages, une vingtaine de chapitres (avec titre) dont cinq en italiques avec la mention « voix off ».

C’est le cas du dernier chapitre, ces deux dernières pages pleines du livre qui en quelque sorte résument l’affaire via l’interview (« avec micro ») du dénommé Tom bien au fait de la migration Sud / Nord, de l’Afrique vers l’Europe, et prompt à pénétrer « dans une impasse où ». Mais le récit, tout descriptif soit-il – et l’auteur comme pour les personnages et les situations sait (se) jouer non seulement des détails, des marques, mais aussi des poncifs, des ressorts, des procédés littéraires – n’est jamais démonstratif. L’auto-dérision, le jeu subtil avec les codes, l’humour, la cocasserie y sont feutrés et donnent une élégance discrète au récit qui garde, au premier degré, son fort pouvoir attractif pour le lecteur, un récit sujet à rebondissements pas toujours achevés (la dernière phrase des chapitres reste en suspens) comme ils pourraient l’être dans un roman. Le parcourt aussi une ironie diffuse, peut-être marque d’une certaine désillusion, d’un caractère désabusé prêt à lâcher les ingrédients d’une vie rangée pour fuir… Donc, via des véhicules automobiles (et non sans distorsions maîtrisées du rythme), on part de Mangiennes (« 30 km de Verdun ») pour rejoindre Tombouctou via Tanger (l’auteur y fut en résidence en 2015 grâce au cipM et à l’Institut français) où un cordial hommage est rendu à Emmanuel Hocquard (« parrain » des éditions Quffi & Ffluk que l’auteur co-anima avec Pascalle Monnier et Olivier Cadiot au début des années 1980). Outre le fameux lion déjà cité, on croise papillons, mouflons, cachalot, et, avec Tom, on a « un pépin à Reims », on dîne à Fuseta, on fait une « mystérieuse rencontre » (avec une photographe « dans les 35-40 ans »), on dîne à Tanger, on traverse un désert (avec un jeune homme taiseux)… et cela non sans aléas, méandres, tenants avec ou sans aboutissants, rebondissements spectaculaires, ce que le premier chapitre (même titre que le livre) met d’emblée en perspective.

« C’est un régal » fut mon avis en fin de lecture de ce livre au rythme preste, de ce brillant récit d’aventure(s) déconstruit ou démonté (en niveaux et tiroirs) tout en gardant un cap qui entraîne le lecteur. Après quelques jours (réflexion critique), je persiste et signe : « Chapeau l’artiste ! »




Share on FacebookTweet about this on TwitterPin on PinterestShare on TumblrEmail this to someone
cipM
« Le Refuge en Méditerranée »
80 p., 15,00 €
couverture