par Agnès Baillieu
Historien de l’art ou de la culture, Aby Warburg (1866-1929) est d’abord un héritier de la philosophie esthétique allemande. Mais son intérêt se porte sur les détails historiques, archéologiques pourrait-on dire, et sur la manière dont les œuvres d’art s’inscrivent dans leur contexte d’origine, la vie ordinaire, les usages sociaux. Ainsi la Renaissance n’est pas un simple retour à l’Antique (voir sa thèse sur Botticelli). Apport fondamental d’une démarche adossée aux témoignages écrits et à leur contexte. Aby Warburg rédige, de 1888 à 1905, des notes, « closes », qui seront transcrites dans des cahiers sans jamais constituer un texte continu (la disposition sous forme de tableaux est d’ailleurs fréquente), et qu’une édition scientifique offre ici dans une mise en page d’une parfaite lisibilité : le texte allemand à droite, sa traduction en regard. Texte « millefeuille » donc, qui cherche (voir l’évolution du titre) à expliquer le style, son évolution, et l’art comme modalité expressive (la « rencontre », déterminante, des Indiens du Nouveau-Mexique, est bien connue). La présentation de S. Müller est indispensable, tant ces Fragments sont complexes ; quant au traducteur, Sacha Zilberfarb (quel travail génial !), il précise que face à une « langue délirante oublieuse du lecteur », et vu la recherche constante d’un métalangage adapté à son objet, il a dû suivre une « méthodologie de l’opacité ». Avant un glossaire très détaillé, on peut aussi lire dans son intégralité De l’arsenal au laboratoire, qui, en 1927, voit en toute création artistique « le produit stylistique d’une intrication avec la dynamique de la vie ». Tout s’avère essentiel dans ce volume à combustion lente, rigoureux, irrésistible.
Traduit par Sacha Zilberfarb
L’écarquillé
312 p., 38,00 €