Richard Shusterman : Le style à l’état vif

 
par Matthieu Contou

« C’est en travaillant à légitimer une esthétique de l’art populaire et en l’articulant à une éthique incarnée de la stylisation de soi qu’il devient possible de construire un concept d’art plus large et plus démocratique, capable d’englober jusqu’au concept d’art de vivre. » Extraite du dernier chapitre de l’ouvrage, cette phrase est sans nul doute la meilleure des introductions possibles au propos de Richard Shusterman dans Le style à l’état vif. Elle condense, en effet, l’ensemble des aspects dont il entend traiter sous le titre de la « somaesthétique », soit « l’étude critique et méliorative de l’expérience et de l’usage que l’on a de son corps, ce dernier étant conçu comme lieu d’appréciation sensorielle et esthétique (au sens premier d’aisthesis), mais aussi d’autofaçonnement. »1
S’il est difficile de ne pas éprouver bien de la sympathie à l’égard du « faillibilisme plein d’espoir du pragmatisme »2 qui préside ici comme ailleurs aux analyses de Richard Shusterman, si l’on aurait même tort de ne pas louer la justesse du fil politique qui traverse l’ouvrage, il est non moins nécessaire, cependant, de signaler aussi sa trop fréquente désinvolture en matière conceptuelle et en ce qui concerne le traitement des références empruntées à l’histoire de la philosophie3. Faire le procès de l’aristocratisme philosophique est une chose, qui n’ouvre toutefois aucun droit à l’approximation.




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Somaesthétique, art populaire & art de vivre
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Thomas Mondémé
Questions théoriques
« Ruby Theory »
336 p., 20,00 €
couverture

1. Le style à l’état vif, p. 182.

2. Ibid., p. 146.

3. Il est, par exemple, au minimum ambigu d’attribuer à Rousseau « l’idée […] selon laquelle les jugements moraux trouvent leur origine dans nos émotions » (Le style à l’état vif, p. 268.). Et, quand bien même aurait-on été prévenu que « L’histoire du concept de divertissement est bien trop complexe pour être présentée brièvement » (Ibid., p. 83), que dire du « catalogue » qui la remplace ? Était-il bien raisonnable de traiter en dix pages (voir p. 84-94) de Platon, Aristote, Montaigne, Diderot, Kant, Hegel, Nietzsche, Heidegger, Gadamer et Adorno ?