par Olivier Quintyn
La fonction de curator est au cœur des mondes professionnels de l’art contemporain : en elle opère une singulière superposition syncrétique des figures du commissaire d’exposition, du chef de projet culturel, et de l’auteur-artiste. Avec ce récit de vocation de Hans Ulrich Obrist, le glissement de la « légende de l’artiste » à celle du curateur s’accomplit encore un peu plus, comme si l’aura du premier se voyait idéologiquement transférée dans celle du second. Comme dans tout récit de vocation, on trouve immanquablement des moments épiphaniques de déclenchement (une visite à l’atelier de Fischli et Weiss), des intercesseurs-modèles (du « flair » de Fénéon à Harald Szeemann), et des comptes rendus des accomplissements d’une carrière exemplaire (des premières expositions dans la cuisine de son appartement à « Utopia Station »). Pour Obrist, le curateur est bien plus qu’un néo-manager créatif, bien que la position qu’il défende soit malgré tout soluble dans l’éther néolibéral : le curateur est à la fois un catalyseur de projets artistiques considérés jusque-là irréalisables par les artistes eux-mêmes, et, plus encore, un agrégateur de tendances époquales et culturelles diffuses auxquelles il donne une visibilité, ou plus exactement, une exposabilité.