René Crevel : Le clavecin de Diderot

 
par René Noël

Denis Diderot a de tous temps ses ennemis et ses admirateurs. À travers lui, c’est l’esprit de 1789 qui est visé ou invoqué. René Crevel écrit en 1932 en un mouvement ascendant, en créateur tourné vers le futur – à l’inverse de notre époque et de nos élus dont les ambitions se limitent à priver leurs concurrents du pouvoir exercé par l’hybris de firmes dont ils sont les fidèles ventriloques, éblouis qu’ils sont par les idéologies contre-révolutionnaires du siècle des Louis XVIII, Philippe, Napoléon III…1 –. Supposez au clavecin de la sensibilité, de la mémoire, et dites-moi s’il ne répétera pas, de lui-même, les airs que vous aurez exécutés sur les touches ? Nos sens sont autant de touches qui sont pincées par la nature qui les environne et se pincent elles-mêmes : Crevel cite ici Diderot dans Le clavecin de Diderot qui ouvre ce livre fait de chroniques publiées auparavant en revues. Né en 1900, il est de cette génération qui sait que plus ce que tout être humain exige, la reconnaissance de sa personnalité unique – Stirner – est évident et ne peut être nié, et plus la violence néo-prussienne, objet des quolibets de Nietzsche, se déchaîne. Exclu du premier mouvement surréaliste en 1925, il rejoint dada, Tzara avant de renouer avec Breton. Digne rejeton du langrois chroniqueur de Jacques le fataliste, poète, grand styliste et polémiste curieux de tout, Crevel revendique la liberté sans délais, étant de ces hommes qui à la seule vue des étoiles menacent les idéologies. La transparence, les rapports entre les humains et le monde, doit laisser intacts les intervalles et les interactions qui les constituent sans supprimer le mouvement2 et l’inattendu sans lesquels la vie cesse. Transparent, de cette transparence absolue... transparence qui protège le jeu des idées, quand, enfin, le verbe jouer n’est plus un doublet parent pauvre du verbe jouir. Harangues, manifestes, défenses de la sexualité libre, de Freud, illustrations de l’hermaphrodisme, casse-dogmes Daumal – en amont de la critique de tous les clercs bureaucrates3, ce précis de la subversion finit par un commencement, par le célèbre le surréalisme au service de la révolution.




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Prairial
144 p., 11,00 €
couverture

1 . L’histoire se répète sous forme de farce, écrit Karl Marx à propos de Napoléon III, cette répétition / restauration anachronique appliquée à notre temps rend prévisible l’échec de ces réactions

2. Un auteur prophétisait la fin de l’Éternel. Nous nous contenterons de travailler à la fin de l’Immobile.

3. Frère en esprit du poète P. B. Shelley et de son libelle La nécessité de l’athéisme.