Jean-Charles Depaule : D’une vie avec

 
par Catherine Weinzaepflen

D’une vie avec, un petit prodige de poésie heureuse (pas évident comme catégorie littéraire), un petit livre fou de lumière. Jean-Charles Depaule y brosse le paysage : vite ciel en face … de haut je vois mur de mer tu dirais : allongé … haut ciel d’hiver lavé vent et nous prévient qu’il s’agit de poésie d’amour. Tonalité ainsi donnée, D’une vie avec déplie sons et odeurs du sud qui sculptent la ville aux fenêtres béantes dans la chaleur d’août. Les chats qui s’accouplent, les nouveau-nés qui pleurent ou les cris des goélands (appelés à tort mouettes, est-il précisé). Toujours dans le registre de l’ouïe c’est grâce à un coq que le lecteur apprend qu’il est à Marseille : un coq ici à Marseille de nuit ? et dans celui des odeurs, la douceur des parfums d’épices ou l’âpreté Fly-tox que requiert la lutte anti-moustiques.

Dans noir ou rouge noterai / le lit est blanc la porcelaine blanche / instable l’odeur du basilic il y a ce noterai. Si la musique du vers depaulien évoque une vie heureuse, légère, pour ne pas dire adéquate, une telle harmonie n’est pas hasardeuse. Elle s’appuie sur la machine d’écriture, celle du poète telle qu’il la pratique, tout comme celles qu’il lit, songeant à David Antin – qu’est-ce que je fais ici, ou évoquant les théorèmes d’Hocquard. Jean-Charles Depaule en même temps qu’il met en scène l’été, nous rappelle qu’il l’écrit, qu’il prend des notes, qu’il lit. Ainsi se déplace-t-il en compagnie de WCW et de « vos cuisses sont des pommiers dont les fleurs touchent le ciel ».

Il y a du récit dans ce long poème dont la fin relate Linge plié dernière baignade d’août et s’achève dans la douceur des deux derniers vers : il convient de faire un vœu / avant de quitter la Pointe Rouge. Pour ce qui me concerne, j’ajouterai que j’aime ce livre autant que j’aime l’été, autant que j’aime Marseille, autant que j’aime la poésie.




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Contre-Pied
24 p., 4,00 €
couverture