Julien Rault : Poétique du point de suspension, essai sur le signe du latent

 
par Sébastien Goffinet

Les études philologiques sur la ponctuation, ailleurs que dans des revues spécialisées, sont rares ; à ce titre, la publication par les Éditions nouvelles Cécile Defaut de la thèse de doctorat de Julien Rault est d’autant moins dénuée d’intérêt que le sujet de ce doctorat portait exclusivement sur ce qu’il est convenu d’appeler les points de suspension, pluriel erroné comme le montrent les premières pages qui en étudient l’apparition, le développement puis la codification en un signe unique, constitué graphiquement d’une suite de trois points sans rapport avec le point conclusif usuel des phrases, et qu’il convient donc de dénommer, au singulier puisque signe à part entière, « point de suspension ».
Les parties suivantes de l’ouvrage toutefois, dont il faut supposer qu’elles obéissent aux règles de l’exercice universitaire, assignent au point de suspension tel qu’« à partir du XVIIIe siècle […] les usages s’amplifient et s’accroissent » (p. 104) jusqu’aux textox, des interprétations tributaires de l’histoire littéraire telle qu’elle est communément acceptée. Tout se passe ainsi dans cette étude comme si le point de suspension (ou « point de latence » comme préconise de l’appeler l’auteur) ne faisait que contribuer à l’établissement du sens majoritaire de tel ou tel texte. Ainsi en va-t-il, entre autres, de la lecture de ce signe chez Céline pour Julien Rault qui y voit trop évidemment « la mort à l’ouvrage » (p. 192). Si l’analyse du silence que constitue ce point en montre bien, s’étayant également de références récentes, la polysémie (ou l’asémie) définitoire : l’excès, l’informulé, le non-verbalisé, l’indicible, les limites, le désordre, etc., il n’en demeure pas moins qu’assigner un sens, qui plus est conventionnellement historicisé, au silence ne peut qu’en amoindrir la portée (révolutionnaire ?).




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