par Létitia Mouze
Emily Dickinson, poète américaine du XIXe siècle, a beaucoup écrit, mais presque pas publié de son vivant, ni organisé en recueil ses poèmes. Il en existe actuellement d’assez nombreuses traductions partielles en français, ainsi qu’une traduction complète par F. Delphy. F. Heusbourg propose la traduction d’une centaine de poèmes sélectionnés parmi les presque trois cents qu’E. Dickinson écrivit en 1863, afin de donner une idée de ce qu’aurait pu être un recueil de la poète, en lui donnant comme titre le premier vers d’un des poèmes de l’année. L’ensemble est précédé d’un avant-propos de Caroline Sagot Duvauroux, moins une présentation qu’un texte lui-même poétique écrit avec et autour de ces poèmes, tissé de citations littérales ou approximatives de ces vers brefs, lapidaires, aux particularités stylistiques bien connues : rime malmenée, majuscules non pas allégoriques comme chez Baudelaire, mais qui mettent en relief de manière inattendue tel ou tel mot, quasi absence de ponctuation en-dehors de nombreux tirets qui, en détachant des mots ou des portions de vers, cristallisent la pensée, et sont l’objet central de l’avant-propos. Cette poésie intimiste, secrète, élaborée dans la réclusion et les travaux domestiques (« J’attache mon Chapeau – je replie mon Châle / – Fais les petits devoirs de la vie – Avec précision ») ne daigne pas s’expliquer mais creuse pour soi des chemins de connaissance, et explore la douleur (« Il y a une douleur – si totale – / Elle aspire la substance ») et la solitude avec sobriété et acuité (« Car la séparation, voilà la nuit »). L’expérience creusée poétiquement devient le moyen d’accès à la vérité et à l’essence des choses : « Les plus grands Profits – doivent passer l’épreuve des Pertes – / Pour se constituer comme – Profits ». Mesure de toutes choses et de toute connaissance, la mort est le thème omniprésent de ce « recueil », comme de toute l’œuvre poétique d’E. Dickinson : « Tout sauf la Mort, Peut être ajusté ».
144 p., 21,00 €