par Sébastien Hoët
Inventaire propose une suite de poèmes extraits judicieusement des principaux recueils de Günter Eich, écrivain allemand important dont on n’avait eu lecture jusqu’alors que du seul Mes Taupes publié chez Circé en 2009. C’est une écriture très particulière que nous découvrons ici1, nue et dure comme un caillou, tranchante comme un couteau ébréché, où l’être humain apparaît en silhouette grise et solitaire, dans un monde souvent rural mais froid, parfois franchement hostile (un camp américain où le poète fut emprisonné), où la nature existe encore, mais immobile et comme reculée. Que dire alors ? « Les marronniers sont en fleur. / J’en prends acte, / Mais ne m’exprime pas à ce sujet » (p. 51). Pas de lyrisme ici, d’expression subjective, mais la collection des traces que la nature et l’événement historique déposent sur les outils et dans la vie des hommes, des traces difficilement déchiffrables qui marquent seulement que nous ne comprenons pas grand-chose à ce qui est, ce qui nous arrive, et ce qui dure : « Je ne lirai aucun de ces livres. // Je me souviens / des troncs encerclés de paille tressée, / des briques à cuire sur les étagères, / la douleur reste et les images s’en vont ».
1. Il faut ici féliciter le traducteur pour la qualité de son travail – tout en effacement.