par Ludovic Degroote
Le singulier du titre interroge au regard du contenu : dans ce recueil d’une soixantaine de poèmes, William Cliff évoque presque autant de désirs, de partenaires avec lesquels il a vécu une expérience amoureuse. On ne la limitera pas au seul appétit sexuel car, s’il y a de la jouissance, parfois torride, elle ne se départit pas de la présence d’émotions dont témoignent des larmes, de la nostalgie, et des accès de mélancolie, due ici à une drague improductive, là à un questionnement sur la relation amoureuse. Pas de donjuanisme dans ce catalogue à la Cliff, car la célébration de l’énergie vitale, d’une jouissance de la jouissance – comme si seul le corps de l’autre pouvait me maintenir en vie – est associée à de la tendresse pour le partenaire : du cul, certes, mais qui s’ouvre à une reconnaissance affectueuse, loin de toute volonté de puissance. Deux approches complémentaires du lyrisme qu’on retrouve à travers un système d’hyperboles et d’images valorisantes et bienveillantes. Comme c’est sa manière, reconnaissable, l’auteur écrit ses poèmes dans une forme traditionnelle, mais les contraintes du vers ne le défont pas d’une liberté et d’une aisance formelles, qu’il s’agisse de la variété des vers – même isométriques – ou de la façon de faire tourner la phrase dans le vers, à l’image de la variété des circonstances dans lesquels sont rapportées ces scènes érotiques : lieux, situations, âges, identités des partenaires : hommes ou vers, le point commun, c’est la singularité, la différence, donc l’absence d’enfermement.