par Jean-Pascal Dubost
On lira tout d’abord et avec grand profit l’avant-propos judicieux du traducteur, Philippe Blanchon, y exposant sa théorie de l’exercice de traduction au service de ce qu’il pense être des poèmes-exercices, que ceux du poète américain. Exercices, ou semi-exercices, car en cette œuvre de jeunesse de W. C. Williams (1913, il avait 30 ans), les poèmes sont rimés, ce qui, dans la prosodie américaine, n’est pas chose fréquente, et, dans ces Humeurs, se laissent entendre deux sources d’influences immédiates, celle du proche et poète Ezra Pound, dont la troubadouresque agit sur Williams (« Dame des forteresses des bois du crépuscule / Tu es ma Dame... »), et, en conséquence, celle de la poésie française. La musique et le chant filent comme un axe de pensée (complainte, prière, chanson, postlude, mezzo forte jalonnent l’ensemble), de pensée lyrique, qui peut sembler contraster avec l’objectivisme williamsien à venir, cependant, le caractère épique des poèmes de Humeurs préfigurent la sorte de chant de Paterson. Nonobstant la part de naïveté parfois, les humeurs de ces poèmes sont celles de l’enthousiasme d’écrire, dont ne se sera jamais départi W. C. Williams le long de son œuvre prolifique.