par Frédéric Valabrègue
La publication finement réalisée par Kristell Loquet ici éditrice et interlocutrice d’une série d’entretiens avec l’artiste Louis Pons nous propose l’atelier et la fabrique de l’œuvre dans son itinéraire personnel. Dessins, assemblages, aphorismes, citations et documents photographiques accompagnent quatre conversations à bâtons rompus introduites par leurs circonstances comme lors d’un reportage. C’est la vivacité de l’ensemble qui séduit et il faut une vraie fréquentation pour qu’un climat de confiance permette une parole si naturelle. Celle de Pons est précise, joueuse et il sait éluder quand ça ne l’intéresse pas. Il donne des clés, indique des moments cruciaux, des enjeux de vie et des rencontres déterminantes en demeurant à l’intérieur de ses propres mécanismes. Il n’y a jamais dans ce partage d’une investigation avec Kristell Loquet quelque chose qui tiendrait de la définition critique ou historique, rien qui prête au discours, mais une façon de tenir le fil d’un chemin individuel. Le lecteur entre dans un fonctionnement au présent, dans des enjeux non encore posés. À notre connaissance, jamais Pons n’a été aussi concret pour parler de son trait et du rapport que son dessin entretient avec la gravure. Jamais nous n’avons été amené aussi près de son tas, ces matériaux et objets de récupération accumulés servant à la construction de ses assemblages. Rarement il est allé aussi loin dans la différenciation de ses gestes, ceux dont la volonté s’absente, dont la demi-attention garantit la souplesse et la liberté. Beaucoup de digressions sont éclairantes, comme ce qui peut lier les aguets du dessinateur et celui du pêcheur au lancer, ou même, pas si loin du travail, ce qui fait qu’un ex-citadin s’accroche à la campagne alors que tout l’inciterait à en repartir. Cela suscite un paysage, des pérégrinations d’arrière-pays contenues dans des objets réunis par la cueillette et qui, de la campagne à la ville, gardent toujours dans leur diversité le même caractère. Enfin, il est intéressant pour ceux qui apprécient l’œuvre de Pons de découvrir ses dessins récents, comme ceux de l’abécédaire au début du livre, reprenant le côté instantané des dessins d’enveloppes, son mail art quasi quotidien. À la lisière du dessin humoristique, ces derniers font pendant à ceux foisonnant et vertigineux du début. Ils rappellent le jeu, le jouet, comme une nouvelle jeunesse de l’art éclairant d’un sourire ses aspects plus tourmentés et inquiétants.