par Jean-Luc Bayard
La précipitation peut être phénomène mécanique ou événement chimique. Les Précipités de Valérie-Catherine Richez relèvent des deux : ils portent la fulgurance, manière « explosante-fixe », les phrases cristallisent et prennent de vitesse la pensée. De là aussi le contraire : un effarement et le miroir immobile, toute l’histoire fixée sur une demi-page. Vous pensez feuilleter le livre comme une suite d’arrêts sur image, ou un jeu de kaléidoscope, recueil de planches, avec coupes sur l’instant revenu de loin ? Mais chaque nouvelle lecture vous précipite ailleurs, à suivre un geste centrifuge qui dévisse la mémoire.
De quoi s’agissait-il aujourd’hui ? D’un exercice d’exactitude ? De la mesure d’une coïncidence ou d’une irréductible perte ? De nommer le dedans, l’événement central, en même temps que l’exclusion, le cœur inaccessible, l’écart ? N’est-ce pas cela, qui est creusé par la forme même : texte coupant suivi d’un presque titre, fragment italique qui vise à la fois le dehors et le noyau ?
« (…) Langue de ton corps silencieux où chaque souffle creusait l’abîme tandis que des voix inconnues résonnaient au-delà des tours. Mots tracés en jets sur les murs par des mains d’enfants affolés. Comme le refus inscrit en fièvre noire dans leurs yeux.
Obscurité à lever, comme des pierres »