Salah Stétié : L’extravagance

 
par Régis Lefort

Ces Mémoires sont composés de vingt-neuf chapitres, de « La plume rétrospective » à « L’aube du néant ». Comme le note Salah Stétié, poète et diplomate d’origine libanaise, ses Mémoires « ne se veulent pas chronologiques », mais sont faits « d’allers et retours au gré de la masse de souvenirs qui tournoient dans [sa] tête et dans [son] cœur, selon l’heure, la saison, l’humeur ». Nous retenons de cet épais volume impossible à restituer dans sa totalité et sa diversité, en particulier les souvenirs d’enfance, qui représentent des éléments fondateurs. Le poète n’écrit-il pas que « tout le mystère de l’être est dans un pays qu’on appelle l’enfance, tout le secret du poète est, comme le pensait Nerval, à chercher de ce côté-là ». Ainsi pouvons-nous lire, par exemple, cet épisode d’un incendie provoqué par une lampe – et la lampe restera un motif important de la poésie de Salah Stétié, notamment dans Si respirer ; ou bien, cet autre épisode parmi bien d’autres, épisode tragique que le poète appelle « le grand événement de l’enfance à Barouk » et qui aura pour conséquence la présence du motif de la poupée, « figurine sacrée », dans sa poésie.
Double aveu est fait également : d’une part, l’amour des femmes – qu’il faut peut-être reformuler en l’amour de « l’élément féminin » – et l’amour de la langue française qui « n’a aucune peine à se laisser apprivoiser » ; d’autre part, dans la hiérarchie littéraire, la reconnaissance de la poésie comme une des plus hautes expressions de l’art d’écrire, l’espace poétique étant pour lui « la caisse de résonance de l’être » ainsi que l’approche de la vérité et de l’absolu. Salah Stétié va jusqu’à écrire que « ce sont les poètes [ses] seuls amis » parce que, selon lui, eux seuls tentent d’approcher « les rivages de l’essentiel ».
Outre les figures emblématiques qu’il reconnaît comme sa famille littéraire, tels Apollinaire ou Nerval, très nombreuses sont les rencontres et les amitiés avec les poètes, grâce parfois à Gabriel Bounoure qui fut son professeur et son initiateur. Pour n’en mentionner que quelques-uns : Paul Éluard, Emil Cioran, Pierre Jean Jouve, Pierre Emmanuel, Georges Schéhadé, Yves Bonnefoy qui a beaucoup compté, André Du Bouchet dont il dut « conquérir l’amitié » ou Michel Deguy qui l’introduisit chez Gallimard.




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Mémoires
Robert Laffont
648 p., 28,00 €
couverture