par Mathilde Azzopardi
« La signification essentielle est dans la réalité, dans le concret, le brut, le compact ou le fluide, le gazeux : dans ce qui est » – à partir de cette thèse, énoncée par Pierre Gascar dans Les Sources (1975), et sur la base d’un corpus étonnamment riche d’œuvres francophones de l’extrême contemporain dans lesquelles l’environnement naturel joue un rôle, Pierre Schoentjes désigne et nomme un nouveau champ d’étude.
Partant d’auteurs qui ont précédé ce temps – Giono, notamment –, ou en font figures d’aînés – C. Simon et sa manière singulière, parmi les néo-romanciers, d’inscrire sa prose dans le sensible, ou Gracq –, notant une spécificité nationale – il n’existe en France rien de comparable à la country life anglaise ou à la wilderness américaine –, n’omettant pas pour autant d’inviter à l’étude les étrangers incontournables – Thoreau ou Rigoni Stern –, explicitant que depuis 1945, la place de l’homme dans le monde s’est radicalement modifiée et que l’écologie apparaît, en outre, comme une alternative à l’effacement des grandes idéologies, l’auteur propose une approche cosmopolitique d’une littérature présente résolument tournée vers le monde concret et soucieuse d’enjeux esthétiques.
Moins préoccupée de questions politiques et éthiques que son parent anglo-saxon l’ecocriticism, l’écopoétique possède toutefois sa dimension militante : les œuvres citées accordent de la valeur à une nature menacée, contribuant ainsi à lui donner un sens. Cette étude nous invite, en outre, à la lecture d’un vaste panel d’auteurs, dont certains, comme Gascar, injustement oubliés.
Et, le livre fermé, relire Giono : « il n’y aura de bonheur pour vous que le jour où les grands arbres crèveront les rues, où le poids des lianes fera couler l’obélisque et courber la tour Eiffel ; où devant les guichets du Louvre on n’entendra plus que le léger bruit des cosses mûres qui s’ouvrent et des graines sauvages qui tombent ; le jour où, des cavernes du métro, des sangliers éblouis sortiront en tremblant de la queue. »