Frédéric Metz : Georg Büchner. Biographie Générale

 
par Franck C. Yeznikian

Voilà une somme phénoménale qui plonge au cœur de l’enquête Georg Karl Büchner (1813-1937). Médecin, philosophe, écrivain dramaturge. Frédéric Metz nous livre ici un travail de longue haleine traduisant sa passion pour celui qui, comme l’avançait en 1875 Karl Emil Franzos, aurait pu devenir une étoile dans le ciel de notre littérature et ne fut qu’un météore somptueux. Mais il éclaire jusque dans notre époque et continuera d’éclairer… Ces trois volumes nous immergent dans les années les plus troublées de cette plume alerte, ardente et séditieuse. Aucune des pièces, telle que la comédie de Léonce et Léna, le drame La mort de Danton, la tragédie du cas Woyzeck ou la nouvelle de Lenz ne sont étudiés mais Frédéric Metz arrive à en refaire monter des sédiments à travers la biographie et les documents. Une grande partie de ce travail qui est le résultat d’une analyse comparée de multiples sources reposant sur la vie et l’œuvre de ce citoyen de Darmstadt outre-Rhin, traite du procès du Pasteur Ludwig Friedrich Weidig auprès duquel Büchner par-delà leurs différences politiques, se tenait proche dans l’impératif d’un mouvement révolutionnaire. C’est à lui qu’il apportera son brûlot du Messager Hessois que le pasteur remaniera, au dessein qu’il puisse embraser plus d’opposants à la dictature. Metz procède à une reconstitution du procès en lui donnant la forme d’un drame en quatre actes. Le tome central intitulé Le scalpel, le sang, s’ouvre avec un rapport d’autopsie du cadavre du pasteur alors emprisonné et torturé. Il se suicidera à 46 ans dans sa cellule quatre jours après que Büchner alors à Zürich fut emporté par le typhus à l’âge de 23 ans. Le cadre de cette étude dépasse la seule silhouette du révolutionnaire anarchiste à travers cette insurrection qui vint dans l’élan du Vormärz. Metz insère à la fois des fragments sur la vie de certains protagonistes mais aussi y invite un grand nombre de « personnages » ayant trait au drame et à la tragédie de sa course. Les trois volumes sont ponctués par quelques dessins notamment d’anatomie réalisés par Büchner et dans le dernier tome, celui des Noms, on peut y découvrir une constellation exhaustive, voire presque le cheminement d’un méridien au sens celanien. Pas étonnant que le nom de Karl E. Franzos, ce premier grand croyant en l’œuvre du messager hessois se retrouve dans le discours de Darmstadt lorsque Celan prononça son manifeste poétique en recevant le prix Büchner en 1960. Grâce à ce travail scrupuleux nous sommes à même de nous faire une idée à la fois précise du contexte et des tensions qui parcourent les synapses et le système nerveux de ce poète digne héritier du Sturm und Drang et acteur en pleine tourmente politique entre l’Allemagne et la France. Aussi est-il frappant de lire que le père de Büchner, qui fut également médecin comme cette lignée d’hommes chez les Büchner, non seulement travailla dans un des premiers asiles en Germanie mais fut également pendant deux années enrôlé en tant que chirurgien dans le même régiment hollandais où se trouvait un dénommé Johann Christian Woyzeck qui va inspirer Büchner dans une forme de fièvre de fragments alors griffonnés et parfois à peine lisibles pouvant s’échouer dans l’invisibilité des signes. D’une recomposition l’autre, et c’est à travers un flux inspiré que Metz nous conduit dans cette lecture remontée des faits et des liens qui y sont tentés. Comment dès lors ne pas penser aussi quelque part au travail de Patrick Beurard-Valdoye avec en particulier les voix et le contrepoint s’insinuant dans son volume La fugue inachevée ?




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Georg Büchner. Biographie Générale
Le Scalpel, le sang – Tome central
Ponterq
428 p., 18,50€
couverture
Georg Büchner. Biographie Générale
La Mort de Weidig - Tome annexe A
Ponterq
204 p., 13,00 €
couverture
Georg Büchner. Biographie Générale
Les Noms - Tome annexe B
Ponterq
368 p., 17,50 €
couverture