Bruno Fern : Le petit test

 
par Mathieu Nuss

Voici un livre à couper le souffle, à commencer par le souffle du Grand Testament de François Villon, puisque c’est à partir de quelques prélèvements express dans cette œuvre que le dernier opus de Bruno Fern a tissé sa trame. Le petit test (pas si petit que ça) développe avec fière allure 100 huitains revus au goût du jour, et augmentés de 3 prières d’insérer et d’un renvoi. « Tant qu’il y aura des ouvertures à creuser dans le lexical », extrait du 17e huitain, le poète tiendra son propre cap, qu’il soit Villon en son temps, ou Fern aujourd’hui.

Même s’il assomme au gourdin le huitain traditionnel, pour mieux le reconstruire dans sa caverne moderne, Bruno Fern imprime à chaque syllabe des inflexions qui rivalisent d’ingéniosités. Et malgré le travail, qu’on imagine volontiers assez rude, une réelle liberté paraît couler de source, des ballades naissent et s’emballent, qui usent de ruses tous azimuts. Qu’il cape et décape, débranche pour rebrancher sur les tics linguistiques actuels, Fern stimule à souhait toutes les hormones de la langue. Les tribulations des niveaux de langage exercent un commerce équitable, de « slibard » à « fastoche », en passant par « la cambrousse » ou par de belles trouvailles comme « les jours sont défigitivement rétrécis », sans que trivialités et détournements d’expression ne l’inculpent de quelque chef d’accusation que ce soit. Les scansions rythmiques font mouche, le principe de décalage (temporel mais aussi sémantique et phonétique) applique un fond de teint tantôt charbonneux tantôt lumineux au lecteur qui s’en revigorera.




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Sitaudis
64 p., 12,00 €
couverture